
Dans un guide récent, la caisse de retraite des médecins libéraux a calculé qu’il est plus intéressant pour ses affiliés qui ont tous leurs trimestres de quitter la vie professionnelle plus tard, plutôt que de reprendre une activité à la retraite.
Dans le match « surcote versus cumul emploi retraite », la caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) se range du côté du premier dispositif. Dans son guide « Préparez votre retraite en temps choisi » publié le 28 février 2023, la Carmf montre qu’il est plus avantageux pour les médecins libéraux, qui disposent de tous leurs trimestres de cotisation à la retraite, de liquider leurs droits plus tard, au lieu de reprendre une activité libérale une fois qu’ils sont retraités.
Pour étayer son propos, la caisse de retraite et de prévoyance des praticiens libéraux prend l’exemple d’un médecin conventionné (qui respecte les tarifs de base de la Sécurité sociale) de 65 ans, qui justifie de sa durée d’assurance (le nombre de trimestres requis dans sa classe d’âge pour percevoir une retraite sans décote) et dont les bénéfices non commerciaux (BNC) s’élèvent à 80 000 euros. Comme il est marié et n’a pas d’enfant, il dispose de deux parts fiscales. Ses revenus sont les seuls du couple.
L’effet « surcote »
Selon les calculs de la Carmf, si le médecin travaille un an de plus et en partant du principe que ses revenus professionnels sont constants, il percevra toujours 80 000 euros de BNC (68 814 euros après impôts et charges sociales). Mais le montant annuel net de sa retraite à 66 ans passera de 31 815 euros à 33 817 euros. Cette différence de 2 002 euros annuels vient du fait que le médecin va acquérir davantage de points de retraite complémentaire (RC) et va bénéficier d’une majoration sur ses retraites de base et d’allocations supplémentaires vieillesse (ASV).
Ce bonus (appelé « surcote ») est de 0,75 % (1) par trimestre civil travaillé au-delà de la durée d’assurance pour les praticiens âgés de 65 à 70 ans. Il s’applique à la fois sur la pension servie par le régime de base (RB) et sur celle versée par le régime ASV réservé aux professionnels de santé conventionnés (de secteur 1 ou de secteur 2). Dans l’exemple, le médecin travaillant un an de plus (quatre trimestres), il bénéficiera d’une majoration de 3 % (0,75 % x 4) sur ses retraites RB et ASV.
Comme cette surcote est viagère, l’assuré en profitera jusqu’à son décès. S’il passe 20 ans à la retraite, il touchera 676 340 euros (33 817 x 20) de pensions au total, contre 636 300 euros en liquidant ses droits à la retraite à 65 ans (au lieu de 66 ans). Soit un écart de 40 040 euros.
À cette somme, la Carmf ajoute les pensions de réversion. La réversion est la fraction des retraites du médecin que son époux ou épouse perçoit à son décès. À la Carmf, la pension de réversion de base représente 54 % de la retraite de base du praticien décédé ; la pension de réversion complémentaire, 60 % de la retraite complémentaire du défunt ; la pension de réversion ASV, 60 % de sa retraite ASV. En se basant sur le nombre d’année de versement des réversions RB, RC et ASV au conjoint survivant, la Carmf estime le total versé à 668 115 euros pour un départ à 65 ans et à 772 421 euros pour un départ à 66 ans. Le différentiel atteint, cette fois-ci, 104 306 euros !
Un manque à gagner en cas de CER
Au lieu de travailler un an de plus, le médecin peut décider de reprendre pendant un an son activité libérale après la liquidation de ses droits à 65 ans, grâce au cumul emploi retraite (CER), qui permet de cumuler ses pensions et un revenu d’activité. En percevant 80 000 euros de BNC dans le cadre de son CER qui viendront s’ajouter à ses 31 815 euros de retraite annuelle, il arrivera à un revenu cumulé de 91 735 euros après impôts et charges à 66 ans, largement supérieur aux 68 814 euros nets d’impôts et de charge de poursuite d’activité.
En revanche, il ne bénéficiera ni de points de retraite complémentaire supplémentaires, ni d’une surcote sur ses retraites de base et sur ses retraites ASV. Résultat : sa pension annuelle globale sera de 31 135 euros (636 300 euros sur 20 ans). Sans donner d’explication, la Carmf arrive à 728 035 euros en intégrant la réversion. Les compléments de revenus obtenus en CER ne sont, il est vrai, pas pris en compte dans les pensions de réversion servies au veuf ou à la veuve du médecin. Ce qui débouche, quand même, sur un manque à gagner de 44 386 euros par rapport à un départ à la retraite à 66 ans.
Pas de bouleversement avec la réforme
À noter : le guide de la Carmf ne prend pas en compte les changements introduits par la dernière réforme des retraites. Le texte prévoit notamment que, pour les retraites liquidées depuis le 1er septembre 2023, les retraités en CER intégral (c’est-à-dire ceux qui ont tous leurs trimestres, comme l’exemple du médecin dans le guide) peuvent se créer de nouveaux droits à la retraite grâce aux cotisations vieillesse versées dans le cadre de leur activité, et donc se générer à terme une seconde pension.
Celle-ci ne pourra pas se voir appliquer une surcote et son montant annuel ne pourra pas excéder 5 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS), soit 2 199,60 euros en 2023. La seconde pension ne bénéficiera pas non plus de la majoration familiale de 10 % octroyée aux parents de trois enfants et plus (2).
En outre, cette nouvelle règle de constitution de nouveaux droits à la retraite dans le cadre du CER intégral s’applique aux seuls régimes de retraite de base. Les régimes de retraite complémentaire (comme celui de la Carmf), qui sont autonomes, ne prévoient pas, pour l’heure, de mettre en place un mécanisme analogue. Ainsi, même depuis l’entrée en vigueur de la réforme des retraites le 1er septembre 2023, il y a des chances, en reprenant l’exemple donnée par la Carmf, pour que la surcote supplante financièrement le cumul emploi retraite dans le cas d’un départ un an plus tard.
Source : http://www.carmf.fr/doc/documents/guides/guide-retraite.pdf
- Pour les retraites des professions libérales (dont les médecins) liquidées à compter du 1er janvier 2024, la surcote sera portée à 1,25 % par trimestre travaillé au-delà de la durée d’assurance à partir du 1er septembre 2023.
- Longtemps réservée aux salariés, aux artisans et aux commerçants (un dispositif légèrement différent existe aussi pour les fonctionnaires), la majoration familiale de 10 % a été étendue aux professions libérales (dont les médecins) par la réforme des retraites de 2023.