
Au nom de l’égalité de traitement fiscal et social, une trentaine de députés ont déposé le 1er mars 2016 une proposition de loi (PPL) visant à harmoniser les règles des contrats de retraite et de prévoyance Madelin réservés aux artisans, commerçants et professions libérales avec celles des dispositifs collectifs accessibles aux salariés par le bais de leur entreprise et le PERP (Plan d’épargne retraite populaire) ouvert à tous.
La loi n°94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle dite loi « Madelin » a déjà comblé une partie du fossé existant en matière de protection sociale entre les travailleurs salariés et les travailleurs non-salariés non-agricoles (TNS NA). Ce texte a instauré des couvertures maladie, prévoyance y compris dépendance, retraite et perte d’emploi facultatives et fiscalement déductibles pour les artisans, commerçants et professions libérales ainsi que pour leurs conjoints collaborateurs.
Ces avantages fiscaux semblent avoir porté leurs fruits : plus d’1 million de contrats de retraite Madelin étaient en cours de constitution au 31 juin 2014, rappelle la PPL dans son exposé des motifs citant des données de l’INSEE. Plus de 58 % des TNS avaient souscrit ce produit facultatif qui sert une rente viagère à compter du départ à la retraite.
Pour autant, les cosignataires de la PPL pensent que l’on peut améliorer cette couverture, notamment en gommant les différences avec les autres dispositifs d’épargne retraite.
Autoriser les versements individuels facultatifs
Les cosignataires de la PPL souhaitent que les TNS puissent effectuer des versements individuels facultatifs (VIF) entrant dans l’enveloppe fiscale de l’épargne retraite individuelle instituée par la loi Fillon de 2003 comme cela est possible depuis 2010 dans les contrats de retraites supplémentaires d’entreprise à cotisations définies (plus connues sous l’appellation d’article 83, en référence à l’article du code général des impôts qui les réglemente).
Sortie à 20 % en capital
Les députés préconisent également d’instaurer pour le contrat retraite Madelin une sortie en capital à hauteur de 20 % de l’encours. Cette option est possible, depuis la réforme des retraites de 2010, pour le produit d’épargne retraite populaire (Perp) ouvert à tous.
Réaffirmer la transférabilité des différents produits retraite les uns vers les autres
Enfin, la PPL veut faciliter les transferts des Perp et des articles 83 vers les contrats de retraite Madelin. Si cette opération est possible pour les salariés devenus TNS, elle semble en pratique compliquée à réaliser.
Harmoniser le traitement fiscal suivant la nature des garanties souscrites
Les contrats de prévoyance collectifs n’excluent pas telle ou telle garantie en fonction de la nature de sa prestation : capital, rente ou indemnités journalières. Or, dans le cadre fiscal prévoyance de la loi Madelin, seules sont éligibles les garanties apportant un revenu de remplacement (rente ou indemnités journalières). Les prestations sous forme de capital sont donc exclues de son champ.
A noter : Sur ce point, cette PPL omet de rappeler que les inégalités de traitement ne sont pas à sens unique. Par la Loi de finance 2014 et rétroactivement au 1er janvier 2013, les cotisations patronales finançant les contrats frais de santé (maladie, maternité ou accident) collectifs sont réintégrées dans le revenu net fiscal des salariés alors que les contrats de santé dits « responsables » sont éligibles au cadre fiscal Madelin et de fait leur cotisation afférente déductible des bénéfices imposables des TNS. Par ailleurs, un salarié cotisant sur ses propres deniers à un contrat santé même s’il est « responsable » ne bénéficie pas d’un coup de pouce fiscal.
Réaffirmer le caractère universel de la loi Madelin
Compte tenu de la jurisprudence récente, le rattachement de certains TNS à un régime fiscal d’assimilé salarié les prive de l’accès aux contrats Madelin. Par exemple, les agents généraux ayant opté pour la détermination du montant de l’impôt sur le revenu pour le régime applicable aux salariés et les associés de société d’exercice libéral imposables dans la catégorie des traitements et salaires.
Selon les auteurs de cette PPL, le rattachement à un régime d’indépendant doit primer sur les considérations fiscales pour apprécier le bénéfice des dispositions de la loi Madelin.
Ouvrir la question de la déduction sociale des cotisations Madelin
Les contributions des contrats collectifs retraite ou prévoyance pour la part patronale sont exclues de l’assiette des contributions sociales conformément au code de la Sécurité sociale. La PPL rapporte que la déduction sociale des cotisations Madelin n’avait pas été adoptée en 94 lors des discussions et du vote de la loi Madelin du fait de l’hostilité des administrateurs des différentes caisses des indépendants (CANCAVA, ORGANIC, CANAM et CNAVPL).
A la différence aussi, du régime Madelin Agricole qui en matière de retraite permet aux TNS A (travailleurs non-salariés agricoles) la double déduction, fiscale et sociale, des cotisations afférentes.
Pour l’heure, aucun examen de la proposition de loi n’a été inscrit à l’agenda de l’Assemblée nationale.
Il est à noter que le cadre fiscal Madelin instauré en 1994 et réformé en 2003 par la loi Fillon bénéficie d’une stabilité fiscale notable et n’a pas été inclus dans le plafonnement des niches fiscales institué le 1er janvier 2013.